Elus européens : nous ressemblent-ils vraiment ?

03/12/2020

Ecrit par Elsa Fuentes  

Permettez-moi de commencer cet article par une note personnelle. J'ai participé en 2018 au concours Euroscola qui a pour but de faire découvrir les institutions européennes à des jeunes âgés de 16 à 18 ans. L'événement a réuni quelques centaines d'étudiants issus d'une vingtaine de pays membres. Il nous était possible de débattre sur les valeurs européennes, les droits fondamentaux ou encore de préparer des rapports avec de nouvelles mesures qui seraient ensuite présentées aux eurodéputés. Entre deux votes, assise en face de l'immense drapeau de l'hémicycle de Strasbourg, j'ai regardé autour de moi, et une question m'a traversé l'esprit « de qui ai-je pris la place ? ». Je me suis mise à imaginer à quoi cet eurodéputé pouvait bien ressembler. Malgré moi, j'ai immédiatement pensé à un homme, d'environ 50 ou 60 ans avec une expérience politique importante et un niveau de qualification très élevé. Tout le reste de cette journée enrichissante, cette question m'est restée dans la tête « mais qui peut bien être assis au siège numéro 258 ? » Qui sont ces personnes élues par les citoyens de leur pays et qui ont la charge de les représenter ?

Dans un contexte de crise de confiance et de la représentativité, la politique parait en mauvaise posture. Elle provoque débats et frustrations. Selon un sondage effectué en 2019, la proportion de Français pensant que les députés européens étaient corrompus atteignait près de 73 % de la population.

Le Brexit, accompagné de la montée des populismes et de l'euroscepticisme, fragilise tous les jours un peu plus la perception que nos concitoyens ont des eurodéputés et des institutions européennes en général.

Cependant, le taux d'abstention aux européennes a reculé de près de dix points en dix ans pour atteindre environ 50% au scrutin de 2019. Les enjeux européens intéressent donc toujours, mais les citoyens connaissent-ils vraiment leurs représentants ? Savent-ils réellement pour qui ils ont voté ?

Le Parlement européen actuel est composé de 705 députés élus dans les pays membres de l'Union européenne. La Brexit a rendu possible l'attribution de 46 sièges à des pays considérés comme sous-représentés, dont la France. Le dernier scrutin s'est tenu entre le 23 et le 26 mai 2019 afin d'élire les députés au sein du Parlement européen pour un mandat de cinq ans. Pour rappel, les élections au Parlement européen sont organisées selon le système de la représentation proportionnelle. Les députés sont élus au suffrage universel direct depuis 1979. Ils doivent respecter depuis 2012 un code de conduite, qui a pour principe de favoriser « l'intérêt général » et la conduite des travaux avec « désintéressement, intégrité, transparence, diligence, honnêteté et responsabilité, tout en veillant à préserver la réputation du Parlement européen. ».

Qui sont réellement nos représentants au niveau européen ?

Eurodéputés : tous vieux ?

L'âge minimum pour remplir les conditions d'éligibilité est de 18 ans dans la plupart des États membres, sauf en Belgique, en Bulgarie, à Chypre, en République tchèque, en Estonie, en Irlande, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne et en Slovaquie (21 ans), en Roumanie (23 ans), et en Italie et en Grèce (25 ans).

Les nouveaux eurodéputés français ont en moyenne six ans de moins que leurs prédécesseurs. On assiste depuis des années à un rajeunissement important de l'hémicycle. Parmi les élus français, seulement deux ont plus de 70 ans. On compte parmi les rangs 12 trentenaires et 26 quarantenaires, ainsi que 16 sexagénaires. L'âge moyen de nos représentants est de 49 ans, contre 42 ans pour la population française dans son ensemble. Les progrès effectués sont majeurs, les chiffres s'approchent de la réalité.

Certains groupes parlementaires européens seraient légèrement plus vieux que d'autres. L'écart n'est pas immense puisque la Gauche unitaire européenne (GUE) était le plus vieux (54,1 ans) et les verts les plus jeunes (48,8 ans) en 2014. On constate également que les femmes sont généralement plus jeunes que les hommes.

Minorités : qui sont les oubliés de la représentation ?

Sur les 751 eurodéputés qui siègent à l'hémicycle, seulement 30 parlementaires sont issus de minorité ethniques alors les minorités représentent environ 10% de la population totale de l'Union européenne. D'après une étude sur la progression dans la diversité, les chiffres ne peuvent être qu'approximatifs. En effet, l'analyse est basée sur une identification extérieure. Avec une enquête sans auto-identification de la part des élus, les résultats sont imprécis. Georgina Siklossy, porte-parole de l'organisation ENAR, le Réseau européen contre le racisme, a publié une étude montrant la faible représentativité au sein du Parlement européen.

L'organisation s'intéresse aux minorités nationales et issues de l'immigration. L'enjeu principal, selon elle, se situe au sein des partis nationaux. La représentation de la population devrait être une priorité pour les formations politique. En pratique ce n'est pas encore le cas puisque souvent, ces élus issus des minorités sont en bas des listes électorales. Elle note qu'il existe bel et bien une représentation de ces minorités et pas seulement à gauche mais également à l'extrême droite.

Pour la Commission et le Conseil, nous ne disposons pas de données sur l'origine des employés ce qui n'empêche pas l'ENAR de conclure qu'ici aussi les minorités sont les victimes de sous-représentation. Leur combat est en faveur de plus de diversité, d'un parlement représentatif de toute la population et qui porte une plus grande attention aux questions d'égalité. L'association dénonce et tente d'influencer les stratégies mises en place et espère ainsi avoir un impact sur les politiques européennes.

Le nombre d'élus issus des minorités nécessaire pour atteindre une parfaite représentativité des devrait être doublé.

Pour l'instant, leur message est plutôt bien reçu mais n'a malheureusement eu aucune répercussion concrète. G. Siklossy aimerait voir un renforcement des mesures afin d'être plus attentifs aux potentiels élus en situation de handicap, aux LGBT, aux personnes âgées, aux minorités ethniques, ainsi qu'envers les femmes.

Que faisaient les eurodéputés avant leur élection ?

Le dernier renouvellement politique a été inédit pour la France car 75% des élus sont des nouveaux entrants et seulement 20 élus sont des sortants. Avec l'application de la loi de 2014, le cumul des mandats n'est désormais plus possible, un choix s'impose. De plus, plus d'un eurodéputé français sur quatre (28%) est vierge de tout mandat politique, contre seulement 18% en 2014.

On constate que le mandat européen est de nos jours plus souvent un premier mandat d'importance après un mandat local ou un tout premier mandat. Au sein du groupe des 79 eurodéputés français, on ne dénombre pas moins de 6 anciens ministres, cinq députés ou ex-députés, une ex-sénatrice, et 37 élus ou anciens élus locaux. En tout, 49 auraient exercé un mandat national. Les chiffres du renouvellement sont donc à relativiser.

Où sont les femmes ?

Le scrutin européen prend différentes formes dans chaque pays mais doit garantir l'égalité entre les sexes. En 2019, nouveau record, 41 % des députés au Parlement européen sont des femmes contre 16% lors des premières élections européennes au suffrage universel en 1979.

La répartition des députés au Parlement européen aujourd'hui se veut moins inégale. En France, 39 femmes et 40 hommes ont été élus eurodéputés européens l'année dernière.

À chaque renouvellement, la part des femmes progresse.

La féminisation est croissante. En revanche, même si certains pays membres appliquent des quotas (et pas tous contrairement à ce que l'on pourrait croire), cela ne concerne que les listes et ne garantit en aucun cas l'élection des candidates. Seulement, si les femmes sont plus nombreuses à être élues, elles ont plus de mal à occuper les postes de pouvoir. Deux femmes - Simone Veil en 1979 et Nicole Fontaine en 1999 - ont dirigé le Parlement européen ces quarante dernières années, contre 13 hommes.

Les disparités entre les membres de l'Union sont lourdes. Alors que la Finlande est représentée au Parlement européen par plus de 60 % de femmes, des pays comme la Bulgarie où la Lituanie n'ont pas encore atteint les 20 %. À quelques exceptions près, le pourcentage de femmes au Parlement européen est désormais supérieur, en moyenne, à celui dans les parlements nationaux. Cet équilibre est favorisé par la loi du 11 avril 2003 qui stipule que les listes de chaque parti doivent être constituées d'un candidat de chaque sexe alternativement. Selon la société Statista, seuls trois pays ont respecté la stricte parité quant à la part de femme candidates, la France, l'Italie et la Slovénie ce qui traduit bien un malaise au sein de nos institutions.

Cet accroissement remarquable se traduit par une hausse de la proportion de femmes élues au Parlement européen ayant doublé entre la première législature et 2009 : 16 % en 1979, 35 % en 2009.

La différence se fait également sentir au sein des partis et des pays, notamment entre ceux issus des élargissements récents et les membres fondateurs.

Malgré d'appréciables progrès, la parité n'est toujours pas respectée dans nos institutions européennes en 2020.


Les eurodéputés sont-ils issus de classes privilégiées ?

Selon une étude de profils des eurodéputés, les origines professionnelles des élus du Parlement européen sont comparables à celles des autres personnalités politiques. Les députés européens sont généralement issus de catégories socioprofessionnelles supérieures.

Le niveau de diplôme de nos élus est particulièrement élevé. Les chercheurs parlent d'un « profil à fort capital culturel » d'une part importante des eurodéputés. Sept sur dix ont réalisé des études supérieures et près d'un quart ont un doctorat. D'après des recherches effectuées en 2014, ce sont les « professions scientifiques » qui sont les plus représentées au PE avec 16,6% des élus, suivis par les cadres supérieurs venus du privé (12,4%). Les ouvriers ne représentent que 4 % des parlementaires européens et les agriculteurs environ 2,4 %. Ces CSP sont largement sous-représentées parmi les élus.

Aussi, les députés européens représentent de plus en plus un cursus universitaire européen. Ainsi, 17 % d'entre eux ont obtenu un diplôme universitaire dans un pays différent du leur. On parle d'une certaine « internationalisation » de l'élite européenne.

Enfin, on constate une certaine professionnalisation de la politique. 10% des eurodéputés sont considérés comme des professionnels de la politique. Les élus les plus jeunes sont les plus diplômés en économie et en science politique, et les moins diplômés en sciences et techniques.


          Il semble donc possible d'établir un portrait-robot de l'eurodéputé en 2020. Celui-ci a plus de chance d'être un homme, dans la quarantaine, fortement diplômé et n'étant pas issu d'une minorité quelconque. On note tout de même une nette amélioration dans le profil de nos représentants européens. Ils sont de plus en plus jeunes, de plus en plus souvent des femmes et ont reçu des formations plus politiques par rapport à ceux qu'ils ont remplacé.

On trouve sur le site Etudes Européennes la phrase suivante « Plus qu'un espace pour des élus en fin de carrière venus chercher un dernier mandat, le parlement européen apparaît comme un espace de professionnalisation politique pour une élite politique toujours plus internationalisée et féminisée ». Il nous reste à savoir si la représentation de la population au sein du PE sera un jour parfaitement fidèle à la réalité, et si oui, quand ?

E.F

Sources

https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/about

https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/21/le-parlement-europeen-modalites-d-election

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_europ%C3%A9ennes_de_2019#Lien_externe

https://www.europarl.europa.eu/RegData/publications/2018/0001/P8_PUB%282018%290001_EN.pdf 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/05/29/qui-sont-les-79-eurodeputes-francais-elus-le-26-mai_5469265_4355770.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9put%C3%A9_europ%C3%A9en#Une_moyenne_d'%C3%A2ge_ordinaire 

https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/europeennes-voici-le-profil-des-79-elus-francais-1024582

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/qui-sont-les-766-deputes-europeens_3071347.html

https://www.inegalites.fr/La-parite-presque-atteinte-au-Parlement-europeen?id_theme=23

https://www.huffingtonpost.fr/entry/resultats-europeennes-2019-labstention-recule-encore-a-17h-par-rapport-a-2014_fr_5ceaa7f1e4b0512156f371f6


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