La Pologne et ses élections parlementaires : au cœur de l'Union Européenne

15/10/2023

Ce 1er octobre 2023, environ un million de personnes se sont réunies dans les rues de Varsovie, afin de protester contre le gouvernement en place, à l'instigation du parti d'opposition Plate-forme civique. Il s'agit de la plus grande manifestation s'étant tenue en Pologne, depuis celles organisées par le syndicat Solidarność, dans les années 80, contre le déchu régime communiste. Ce qui indique implicitement la virulence de la campagne se tenant actuellement dans le pays. En effet, ce dimanche 15 octobre, les polonais seront invités à s'exprimer lors d'élections parlementaires, qui acteront la recomposition d'un nouveau Sénat, ainsi que d'une nouvelle Diète, l'équivalent en France de notre Assemblée nationale.

La Pologne est aujourd'hui gouvernée par le parti Droit et Justice, d'orientation national-conservatrice, dont le projet politique est de restaurer les racines chrétiennes de la Pologne. Ayant accédé à l'appareil de gouvernement polonais, ainsi qu'à la présidence de la République, en 2015, il mène depuis une politique sociétalement conservatrice, s'évertuant à promouvoir la famille organique en tant que pilier de la société polonaise, adjointe à un progressisme fiscal, déterminé à d'avantage taxer les plus grandes fortunes du pays, afin de financer des mesures sociales, à l'instar de la diminution de l'âge de départ à la retraite, en 2017, ou encore d'une baisse drastique de la fiscalité sur les classes moyennes, en 2022. Ces mesures trouvent un écho populaire chez un électorat rural, en sentiment de déclassement, tandis qu'elles sont conspuées chez les électeurs citadins, aux revenus plus élevés, qui souhaiteraient moderniser la Pologne en s'inspirant des modèles allemand et français.

Parti sortant dans le cadre de ce nouveau rendez-vous électoral, intégré dans la coalition Droite unie, qu'il domine, sa tête de liste est Jarosław Kaczyński, frère de l'ancien président Lech Kaczyński, décédé dans un crash d'avion, en Russie, en 2010. Depuis cette catastrophe, qui a renforcé sa notoriété, il est l'éminence grise de sa structure politique, et contrôle en catimini les affaires internes et diplomatiques du pays, avec grande attention, bien que ne disposant d'aucune fonction officielle. Parrain politique de l'actuel président Andrzej Duda, ainsi que du président du Conseil des ministres, Mateusz Morawiecki, il dispose de facto de la direction de la politique polonaise, en tant que conseiller de l'ombre.

Le scrutin de ce dimanche l'opposera au libéral Donald Tusk, son principal rival, à la tête d'une coalition centriste, menée par le parti qu'il préside, Plate-forme civique. Dirigeant de la Pologne, de 2011 à 2014, président du Conseil Européen, de 2014 à 2019, puis prédécesseur de Manfred Weber à la direction du Parti Populaire Européen, jusqu'en 2022, celui-ci dispose d'un palmarès séduisant conjointement les cols blancs des villes et une jeunesse désireuse de construction européenne. Libéral convaincu, à la fois sur les sujets de société et sur le plan économique, il est l'antithèse parfaite de Jarosław et de son modèle de démocratie illibérale. Leurs coalitions respectives sont données au coude-à-coude dans les derniers sondages, suivis dans l'ordre décroissant, par l'alliance électorale ultranationaliste et pro-russe Confédération, d'une autre alliance centriste, se revendiquant anti-bipartisme, puis du regroupement des gauches social-démocrates polonaises, qui peine à s'imposer, handicapé par l'image négative qu'ont les polonais du socialisme, depuis la dissolution de la République populaire de Pologne, en 1989.

Les résultats de ce week-end seront décisifs, aussi bien pour les polonais que pour l'Union Européenne dans son ensemble, car elle pourrait aussi bien renforcer l'orientation eurosceptique du groupe de Visegrád, comportant Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie, qui agissent à l'heure actuelle comme contre-poids à l'édiction d'une Europe supranationale, que l'affaiblir. Elle pourrait aussi constituer un virage important, dans la mesure où elle serait un potentiel frein à l'escalade des nationalismes que connaît l'UE depuis les années 90, ou au contraire, une amplification de ce phénomène, intrinsèquement lié à la révolution numérique et à l'accentuation de la subversion politique.

Tandis que les insultes, dont la violence surprendrait même jusqu'aux USA, tant elles sont politiquement incorrectes, fusent entre la Pologne traditionnelle de Droit et Justice, et la Pologne apôtre du changement de Plate-forme civique, la communauté européenne et internationale fixent leurs attentions sur les résultats qui ressortiront du suffrage à venir, qui sera crucial dans l'évolution géopolitique de la région, et avec certitude, du conflit entre l'Ukraine et la Russie.

Eliott Tanfin

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