L'élection de la nouvelle Présidente du Parlement Européen: Roberta Metsola 

05/02/2022

Par Grégoire Bronner

La Maltaise Roberta Metsola a été élue Présidente du Parlement Européen le 18 janvier dernier. Roberta Metsola une femme politique maltaise et européenne, née en 1979 et membre du Parti Nationaliste, un des deux principaux partis maltais, classé au centre-droit. Après des études de droit et l'obtention d'un master au collège d'Europe en 2004, elle commence immédiatement à travailler auprès des institutions européennes, en étant chargée d'affaires au sein de la représentation permanente de Malte auprès de l'Union européenne. Elle essaie dans le même temps d'être élue députée européenne, et y parvient en 2013, rejoignant les rangs du Parti Populaire Européen (PPE). Elle devient ensuite Vice-Présidente du Parlement Européen en 2020, en remplacement de Mairead McGuiness, devenue commissaire européenne. Elle est enfin choisie comme candidate par le PPE pour la succession de David Sassoli au poste de Président en novembre 2021, et a été élue à ce poste le 18 janvier, à la suite d'un accord entre le PPE, les centristes et les sociaux-démocrates. Son élection a engendré des critiques car Roberta Metsola est connue pour ses positions anti-avortement. Pourquoi une personnalité anti-IVG a-t-elle pu être élue Présidente du Parlement Européen alors que la défense des droits des femmes est un des combats importants de celui-ci ?


Il faut d'abord revenir aux élections européennes de 2019 pour le comprendre. Le Parlement Européen étant élu à la proportionnelle, la probabilité d'une majorité forte d'un groupe parlementaire est faible, d'autant plus que les groupes politiques traditionnels du PPE et du PSE (social-démocrate) perdent une partie importante des suffrages depuis une dizaine d'années. Un accord a donc dû être trouvé en 2019 pour former une coalition entre le PPE, le PSE et les centristes, qui se sont répartis les postes de direction au sein des institutions européennes. Comme cela se fait presque toujours depuis quelques dizaines d'années, le poste de Président du Parlement a fait l'objet d'un compromis et le mandat devait être coupé en deux, la première moitié allant à un social-démocrate et la seconde à un conservateur. C'est ainsi que le social-démocrate David Sassoli a été élu en juillet 2019 et devait donc laisser sa place au candidat conservateur en janvier 2022, qui devait être élu par la même coalition que celle qui l'avait fait pour David Sassoli. La décision revenait alors au PPE de choisir sa ou son candidat. Le PPE a ainsi choisi Roberta Metsola, qui était considérée comme faisant partie de l'aile modérée du PPE. Roberta Metsola a en effet pris positions pour la défense des droits des LGBT, pour l'accueil des migrants ou le respect de l'état de droit en Europe et elle a toujours montré une opposition importante face à l'extrême-droite, positions qui ne sont pas toujours respectées parmi les membres de son groupe parlementaire (le PPE comptait par exemple parmi les partis qui le composent le Fidesz de Viktor Orban jusqu'en mars 2021). L'engagement européen de Roberta Metsola ne faisait également aucun doute, puisqu'elle a passé toute sa carrière dans les institutions européennes. Son profil aurait donc pu être consensuel auprès des trois groupes formant la coalition au Parlement, si elle n'avait pas cette position sur l'avortement et le droit des femmes.


Il peut être étonnant qu'une femme, revendiquant des positions féministes pendant sa campagne pour le poste de Présidente du Parlement, qui a dit qu'il était temps qu'une femme dirige le Parlement Européen et qui défend de plus des positions pro-LGBT, puisse à l'inverse défendre des positions anti-avortement et contre les droits des femmes. Elle s'est, par exemple, abstenue lors d'un vote pour pénaliser au niveau européen les violences faites aux femmes en septembre dernier. Religieuse, il lui arrive également d'afficher sa vie de mère sur les réseaux sociaux. Malgré ses positions progressistes sur certains sujets, cette opposition à l'avortement a provoqué des remous en Europe après son élection, Clément Beaune a ainsi avoué que « le symbole de cette élection [le] gêne ». L'origine de cette position partagée entre les droits des LGBT et les droits des femmes est à chercher dans son pays d'origine, c'est-à-dire Malte. En effet, côté droit LGBT, Malte est un pays ouvert, avec l'autorisation de mariage pour les couples homosexuels depuis 2017, la possibilité d'adoption pour ces mêmes couples, ainsi que l'interdiction des thérapies de conversion depuis 2015, soit 6 ans avant la France, etc. Mais d'un autre côté, Malte reste un pays conservateur sur les droits des femmes. Son Parlement a ainsi la plus faible proportion de femmes parmi les parlements nationaux en Europe, avec seulement 13% de femmes le composant, et le gouvernement n'en compte que deux, sur les 17 ministres. Et la question de l'avortement ne fait pas exception. Malte est ainsi le pays de l'Union Européenne le plus restrictif dans ce domaine. En effet, alors que dans des pays comme la Pologne, où le gouvernement ultra-conservateur est revenu sur le droit à l'IVG, l'avortement reste possible dans certains cas (inceste, viol, menace sur la vie de la mère), l'avortement est totalement interdit à Malte. La femme qui avorte et son médecin sont ainsi passibles de plusieurs mois de prison. Bien que depuis quelques années des lois sont passées au Parlement maltais pour donner plus de droits aux femmes, la société maltaise reste très influencée par la religion, et la population semble encore majoritairement hostile au droit à l'avortement, tout comme Roberta Metsola donc, qui a cependant juré qu'elle ferait passer les intérêts et opinions du Parlement Européen avant les siens.


Alors qu'en est-il du symbole ? C'est un cas étrange où nous avons d'un côté un symbole positif avec l'élection de la troisième femme comme Présidente du Parlement Européen, mais qui est également la plus jeune personne à être élue à ce poste, avec des convictions fermes sur l'Europe, les droits LGBT ou l'état de droit à une époque où ceux-ci sont menacés dans certains pays de l'UE, ce qui représente évidemment un point positif que d'élire quelqu'un qui s'engage vraiment à les défendre. D'un autre côté, comme l'a fait remarquer l'eurodéputée Manon Aubry, à l'heure où « des milliers de Polonaises défilent dans les rues depuis plus d'un an » pour la défense du droit à l'avortement, c'est un mauvais signal que d'élire une personne ouvertement anti-IVG et venant de la Nation européenne la plus restrictive sur le sujet. D'autant plus que les droits de la femme ne sont pas remis en cause seulement en Europe de l'Est, mais aussi aux États-Unis par exemple. Les Européens pourraient avoir désormais moins de légitimité à défendre les droits de la femme face au reste du monde si la Présidente de leur Parlement prend des positions contre ces mêmes droits. Signe que ce risque inquiète, la défense des droits des femmes a été placée dans les priorités communes des trois groupes politiques qui l'ont élue, tandis que des eurodéputés lui ont rapidement demandés de soutenir le pacte Simone Veil, qui a pour but de protéger les droits de la femme. Si le Parlement Européen n'a de toute façon aucunes compétences sur le droit à l'avortement, qui reste du domaine des Parlements nationaux, l'élection au poste de Président du Parlement Européen reste un symbole important.


Sources :

https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/118859/ROBERTA_METSOLA/home

https://www.gov.mt/en/Pages/home.aspx

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Droits_LGBT_%C3%A0_Malte

https://medfeminiswiya.net/2021/08/02/le-feminisme-a-malte-un-bref-apercu/

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/18/une-presidente-antiavortement-au-parlement-europeen_6109931_3232.html

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/union-europeenne/quatre-choses-a-savoir-sur-roberta-metsola-l-elue-maltaise-anti-ivg-pressentie-pour-devenir-la-prochaine-presidente-du-parlement-europeen_4916779.html

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/18/roberta-metsola-une-maltaise-anti-avortement-s-apprete-a-prendre-la-presidence-du-parlement-europeen_6109871_3210.html



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